La transformation numérique s'accompagne de questions essentielles sur la protection des données et l'indépendance technologique des États. Infomaniak, entreprise suisse spécialisée dans l'hébergement et les services cloud, s'impose comme une alternative européenne crédible face aux géants américains. Une interview récente de son dirigeant a permis d'approfondir les enjeux de souveraineté numérique et de cybersécurité qui animent cette société devenue une référence sur le continent.

Infomaniak, alternative européenne face aux géants américains du numérique

La décision de la Confédération suisse de recourir à des prestataires extra-européens pour son projet PublicCloudsConfederation a ravivé le débat sur la souveraineté numérique. Cette orientation suscite des interrogations légitimes alors que les incidents de cybersécurité impliquant des multinationales se multiplient et que l'Union Européenne inflige régulièrement des amendes aux géants du numérique pour non-respect des règles de protection des données. Face à ces constats, Infomaniak défend une vision claire de ce que devrait être une véritable indépendance numérique pour les États européens.

Une vision claire pour la protection des données personnelles

Pour Infomaniak, la souveraineté numérique représente bien plus qu'un simple hébergement local de serveurs. Elle se définit comme la capacité d'un pays à assurer son indépendance vis-à-vis des acteurs et des États étrangers, en évitant la dépendance et la perte de contrôle de ses territoires numériques. Cette indépendance repose sur trois piliers fondamentaux : l'hébergement physique des données dans le pays concerné, le traitement de ces données avec des logiciels open source ou développés localement, et un cadre juridique national protecteur.

L'entreprise met en garde contre les risques d'assujettissement aux règles imposées par les acteurs les plus puissants du marché, qui peuvent conduire à une mise sous tutelle numérique. Les actions d'intelligence économique, l'espionnage et la surveillance numérique constituent des menaces réelles pour les États qui confient leurs données sensibles à des acteurs étrangers. La dimension juridique représente d'ailleurs un problème critique, les lois extraterritoriales permettant aux autorités de certains pays d'accéder aux données captées partout dans le monde, indépendamment du lieu de stockage physique.

Positionnement face à Google et Apple : l'éthique avant tout

Infomaniak se positionne délibérément comme une alternative éthique face aux géants technologiques que sont Google et Apple. Le problème n'est pas tant que ces entreprises soient mondialement connues, mais qu'il s'agisse d'acteurs hégémoniques extra-européens disposant d'une position monopolistique unique. Ces multinationales bénéficient d'un lobbying et d'un marketing très efficaces qui influencent les décisions des pouvoirs publics. Certains décideurs choisissent même leurs solutions pour se couvrir en cas de défaillance, préférant la sécurité apparente d'un nom connu aux risques perçus d'une alternative moins médiatisée.

L'entreprise souligne que les objectifs de ces multinationales consistent principalement à générer des revenus et exploiter les données collectées. La défense de leurs intérêts commerciaux n'est pas nécessairement compatible avec celle de la Suisse ou de l'Europe. Les offres cloud de ces géants comportent des coûts indirects cachés, des problèmes de pérennité et des coûts liés à la dépendance. La difficulté voire l'impossibilité de revenir en arrière ou de migrer vers d'autres plateformes constitue un piège dont il est difficile de s'extraire une fois les données et processus transférés.

La Suisse comme bastion de la souveraineté numérique

Le choix d'opérer depuis la Suisse n'est pas anodin pour Infomaniak. Ce pays offre un cadre législatif strict en matière de protection des données, distinct des réglementations américaines et européennes. Alors que le Cloud Act américain et le RGPD européen représentent les deux principaux cadres juridiques en présence, la Suisse maintient une position spécifique qui garantit un niveau de protection élevé pour les données hébergées sur son territoire.

Une législation protectrice et des datacenters propriétaires

La réglementation suisse constitue un rempart contre les accès indésirables aux données. Les lois de transfert de données vers des pays tiers, souvent trop permissives, ne respectent pas toujours les standards européens de vie privée. En maintenant ses activités sous juridiction suisse, Infomaniak offre à ses clients une garantie juridique supplémentaire face aux demandes d'accès aux données émanant d'autorités étrangères.

L'entreprise a fait le choix stratégique de posséder ses propres centres de données. Cette décision représente un investissement considérable mais garantit un contrôle total sur l'infrastructure et la sécurité des informations stockées. En janvier 2025, Infomaniak a inauguré un data center révolutionnaire qui revalorise cent pour cent de son énergie pour chauffer des bâtiments environnants, démontrant ainsi qu'efficacité technologique et responsabilité environnementale peuvent se conjuguer. L'entreprise publie régulièrement son bilan des gaz à effet de serre, comme elle l'a fait en juillet 2025 pour l'exercice 2023, témoignant de sa transparence sur son impact environnemental.

Contrôle total sur l'infrastructure et sécurité des informations

La maîtrise complète de l'infrastructure technique permet à Infomaniak de garantir à ses clients qu'aucune porte dérobée ne permet l'accès non autorisé à leurs données. Cette assurance est impossible à obtenir lorsque l'on recourt à des prestataires dont on ne contrôle ni les installations ni les processus internes. Le projet européen Gaia-X, initialement conçu pour développer une infrastructure cloud souveraine, a été critiqué pour le poids excessif des hyperscalers chinois et américains sur ses décisions, illustrant la difficulté de construire une véritable alternative sans compromis.

Les labels tels que Cloud de confiance ne sont pas garants de la souveraineté numérique lorsqu'ils s'appliquent à des fournisseurs étrangers, même s'ils opèrent via des filiales locales. Le risque demeure que les matrices de ces entreprises puissent accéder aux données ou influencer les opérations. Seul un contrôle intégral de la chaîne de valeur, de l'infrastructure physique aux logiciels de traitement, permet de garantir une véritable indépendance technologique.

Des services cloud et messagerie pour tous les utilisateurs

Infomaniak propose une gamme complète de services numériques destinés aussi bien aux particuliers qu'aux entreprises et institutions publiques. De la messagerie sécurisée à l'hébergement de sites web, en passant par des solutions cloud innovantes, l'entreprise développe des alternatives concrètes aux services proposés par les géants américains. Son ambition consiste à démontrer qu'il est possible de concilier performance technique, respect de la vie privée et contribution à l'économie locale.

Technologies open source et solutions adaptées aux besoins

L'engagement d'Infomaniak envers l'open source représente un pilier fondamental de sa stratégie. Les logiciels à code ouvert permettent une transparence totale sur le fonctionnement des applications et garantissent qu'aucun mécanisme de collecte de données dissimulé n'opère à l'insu des utilisateurs. Cette philosophie s'oppose radicalement à celle des intelligences artificielles propriétaires comme ChatGPT ou Gemini, qui fonctionnent comme des boîtes noires sans garantie sur l'utilisation des données transmises.

L'intelligence artificielle représente justement un enjeu majeur pour la souveraineté numérique. Les données constituent l'élément stratégique déterminant la qualité d'une IA. Confier ses informations sensibles à des systèmes contrôlés par des entités étrangères revient à leur offrir un avantage concurrentiel considérable tout en s'exposant à des risques de surveillance et d'exploitation commerciale. Infomaniak plaide pour le développement d'alternatives européennes dans ce domaine crucial.

Une communauté active et une ambition de leader européen

La présence active d'Infomaniak sur les réseaux professionnels comme LinkedIn témoigne de sa volonté d'échanger avec sa communauté et de partager son expertise sur les enjeux de souveraineté numérique. L'entreprise s'adresse directement aux décideurs publics et privés pour les sensibiliser aux risques d'une dépendance excessive aux acteurs hégémoniques. Le dialogue constant avec les utilisateurs permet également d'adapter les services aux besoins réels plutôt que d'imposer des solutions standardisées inadaptées aux spécificités européennes.

En juin 2025, Infomaniak a franchi une étape supplémentaire en obtenant la certification B Corp, reconnaissance internationale des entreprises répondant aux standards les plus élevés en matière de performance sociale et environnementale. Cette certification valide l'approche globale de l'entreprise qui refuse de séparer performance économique et responsabilité sociétale. L'ambition d'Infomaniak consiste à devenir un acteur public majeur dans le domaine du cloud et de l'hébergement tout en restant fidèle à ses valeurs fondamentales.

Pour que cette vision se concrétise à grande échelle, une prise de conscience croissante et des initiatives parlementaires sont nécessaires. Les appels d'offres publics doivent être cohérents du point de vue de la souveraineté, garantir la proportionnalité entre les exigences fixées et les besoins réels, et éviter de favoriser uniquement les multinationales américaines ou chinoises par habitude ou méconnaissance des alternatives. Il est essentiel d'avoir une volonté politique claire et assumée de développer et soutenir la cybersouveraineté, avec un secteur public donnant l'exemple.

La réglementation européenne tente de rattraper le retard en matière de protection des données et de marché du cloud. L'EUCS vise à renforcer la cybersécurité tandis que le DMA cherche à limiter les pratiques anticoncurrentielles des géants américains. Ces efforts réglementaires doivent s'accompagner de choix concrets favorisant les partenariats public-privé avec des acteurs locaux et réservant le financement public aux entreprises qui s'engagent véritablement à développer la souveraineté numérique du pays.

Briser le cercle vicieux de la dépendance aux acteurs hégémoniques permettrait de développer l'économie et le savoir-faire local. Choisir les acteurs qui œuvrent pour développer des alternatives fiables, les faire travailler et privilégier leurs solutions constitue la seule voie vers une véritable indépendance technologique. La souveraineté technologique conditionne en effet toutes les autres formes de souveraineté, et la question des droits humains se trouve au cœur des préoccupations liées aux développements numériques et à l'intelligence artificielle. L'exemple d'Infomaniak démontre qu'une alternative européenne viable existe, à condition que les décideurs publics et privés acceptent de sortir de leur zone de confort pour construire un avenir numérique réellement souverain.